Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, suivie d'un questions réponses sur le calendrier de mise en oeuvre des décisions annoncées la veille par le président de la République concernant l'allègement du coût du travail, les accords "compétitivité emploi", le logement et la taxe sur les transactions financières, à Paris le 30 janvier 2012.
Personnalité, fonction : FILLON François.
FRANCE. Premier ministre
ti : Mesdames et Messieurs,
Hier soir le président de la République a annoncé des réformes qui seront lancées au cours des prochaines semaines avec un objectif principal qui est le renforcement de la compétitivité de léconomie française.
Je viens de réunir les ministres concernés pour assurer une mise en uvre rapide des mesures qui ont été annoncées hier. Contrairement à ce que disent certains, il ne sagit pas dune accélération politique, mais de la poursuite dun programme de réformes constant et cohérent.
Depuis le début du quinquennat, nous mettons en place les conditions du retour à la compétitivité de léconomie française, nous lavons fait dabord en réformant notre enseignement supérieur et notre système de recherche, en finançant linnovation, en revalorisant le travail, en réduisant les déficits.
Nous pourrions nous en contenter, et renvoyer à la campagne et à laprès-élection les réformes supplémentaires.
Mais la violence de la crise, les engagements que nous avons collectivement pris au sein de la zone euro, la dégradation de la situation économique, rendent impossible et dérisoire lidée dune pause dans la mise en uvre des réformes.
Le plan de compétitivité que nous présentons comporte plusieurs volets.
Le premier, cest lallègement du coût du travail.
Comme la annoncé le Président de la République, nous avons décidé dalléger le coût du travail afin de permettre à nos entreprises de réduire leurs coûts de production et ainsi de pouvoir diminuer leurs prix tant sur les marchés internationaux que sur le marché intérieur.
La mesure que nous présenterons au Parlement prévoit que tous les salaires inférieurs à 2,1 SMIC, c'est-à-dire à 2 300 euros nets, ne paieront plus de cotisations famille.
Le taux de cotisation famille augmentera ensuite progressivement pour les salaires entre 2,1 et 2,4 SMIC, c'est-à-dire entre 2 300 euros nets et 2 650 euros nets, et au-delà. Pour les salaires supérieurs à 2,4 SMIC, le taux de cotisation ne changera pas.
Concrètement, cela signifie que pour un salarié à 1 530 euros nets le coût du travail diminuera de 80 euros par mois. Pour un salarié qui touche 1 750 euros nets, le coût du travail diminuera de 120 euros par mois. Pour un salarié qui touche 2 300 euros nets, le coût du travail diminuera de 158 euros par mois.
Cette baisse de cotisations, qui représente environ 13 milliards deuros au total, sera naturellement sans conséquence sur notre politique familiale, qui sera intégralement préservée, puisquelle sera compensée par une augmentation dautres ressources : une hausse modérée de 1,6 point de la TVA à taux normal et de 2 points de la CSG sur les revenus du capital. Ce prélèvement sur les revenus du capital qui est aujourdhui à un taux de 8,2 % passera donc à un taux de 10,2 %.
Lensemble de ce dispositif entrera en vigueur à compter du 1er octobre 2012.
Lidée de cette réforme est simple : elle consiste à transférer sur des ressources à lassiette plus large et plus favorable à lemploi et à la compétitivité de notre économie, une partie des cotisations qui financent notre protection sociale mais qui pèsent, aujourdhui, sur le travail.
Cette mesure apportera une bouffée doxygène à nos entreprises.
En permettant de réduire les coûts de production, elle rendra donc nos produits plus compétitifs sur les marchés internationaux, elle favorisera donc les exportations. Elle reviendra par ailleurs à « taxer » les importations qui contribueront ainsi au financement de notre protection sociale et à réduire également lécart entre le coût des produits importés et le coût des produits fabriqués en France.
Plus largement, en réduisant le coût du travail, nous allons faciliter les embauches, nous allons réduire les incitations aux délocalisations, nous allons inciter à relocaliser les emplois.
Je veux enfin insister sur un point.
Cette hausse modérée de TVA, qui interviendra à compter du 1er octobre 2012, ne concernera que le taux normal de TVA, celui qui est à 19,6 % aujourdhui. Cela signifie que les taux réduits, nous en avons trois à 2,5 %, à 5,5 % et 7 %, ne bougeront pas.
Les produits alimentaires, les produits de première nécessité ou encore les médicaments, ne seront en aucun cas impactés par cette mesure.
Les produits soumis au taux normal de TVA verront certes leur taux légèrement augmenter, mais comme ils auront au préalable bénéficié de la baisse des coûts de production, cette hausse devrait être sans conséquence pour le consommateur.
Je veux dailleurs noter que pendant la campagne des primaires socialistes, certains responsables de ce parti avaient ouvertement plaidé en faveur dune réforme de ce type.
Je veux même ajouter que dans le programme du Parti socialiste en 2002, il était expressément prévu de baisser les cotisations patronales qui pèsent sur le travail et de les reporter sur la valeur ajoutée pour stimuler lactivité économique dans notre pays.
Ceci pour dire que le débat qui sengage devrait être un peu moins caricatural que ce que jai entendu ce matin.
Ensuite, nous voulons avancer sur les accords "compétitivité emploi".
Aujourdhui, les entreprises françaises ne disposent pas pleinement de la possibilité de négocier des accords qui permettent dadapter temporairement lorganisation du travail, la durée du travail ou les salaires à lévolution de lactivité.
Nous proposons de donner au travers de ces accords "compétitivité emploi" une nouvelle possibilité de négocier au sein des entreprises des accords lorsque la compétitivité de lentreprise et donc lemploi sont en jeu.
Les nouvelles règles que nous avons définies, notamment au début du quinquennat, avec les partenaires sociaux, ces nouvelles règles qui renforcent la démocratie sociale, nous permettent aujourdhui daller plus loin dans la place laissée à la négociation collective dentreprise.
Concrètement, ce sera donc aux partenaires sociaux, aux organisations syndicales dans les entreprises, de définir ensemble, avec la direction de lentreprise, le meilleur arbitrage entre organisation du travail, salaires, durée du travail, emploi, aux vues du contexte particulier de lentreprise. Cest loccasion pour les organisations syndicales de jouer un rôle beaucoup plus important et daller vers ce dialogue social apaisé que lon envie toujours aux pays dEurope du nord et dont on est en train de se rapprocher.
Et les dispositions des contrats de travail contraires aux aménagements définis par laccord pourraient être suspendues pendant une période définie par cet accord.
Nous en avons discuté avec les partenaires sociaux lors du sommet sur la crise le 18 janvier.
Hier, le président de la République a souhaité quune négociation nationale interprofessionnelle sengage très vite sur ce sujet.
Je veux dailleurs rappeler que cest notre majorité qui est à lorigine de la règle qui impose de passer dabord par une négociation interprofessionnelle avant daller devant le Parlement. Cela nétait pas le cas à dautres époques et en particulier lorsque la gauche dirigeait notre pays.
Eh bien, je viens de signer, à linstant, un courrier aux partenaires sociaux en ce sens en leur demandant dengager sans attendre cette négociation de manière à ce quelle puisse aboutir dans les deux mois.
Je sais le sens des responsabilités des partenaires sociaux.
Je souhaite quils puissent aboutir à des solutions innovantes au service de lintérêt général et de lemploi. Naturellement, à défaut, nous prendrons nos responsabilités en déposant un projet de loi.
Concernant le développement de lapprentissage, nous voulons aller jusquau bout de notre conviction et de notre stratégie.
Nous avons lancé lan passé un plan de développement de lapprentissage. Ce plan a déjà eu des effets très importants puisque au total, ce sont près de 500.000 jeunes qui sont entrés en alternance lan passé. Cest une augmentation de 7 % en 2011 par rapport à 2010, cela prouve que cela fonctionne, mais il faut nous mobiliser pour obtenir encore de meilleurs résultats.
Nous avons la conviction, en particulier, que les grandes entreprises ne font pas suffisamment defforts, en tout cas certaines dentre elles, quelles devraient être exemplaires.
Près de 50 % des entreprises de plus de 250 salariés comptent encore moins de 1 % dapprentis. Cela nest pas acceptable.
Il est normal que nous fassions des efforts pour faciliter la vie des entreprises dans un contexte de compétition, il est normal aussi quen échange ces entreprises fassent des efforts pour mieux participer à la formation des jeunes et à leur intégration dans lemploi.
Voilà pourquoi nous proposons de renforcer progressivement les pénalités pour les grandes entreprises qui emploient moins de 1 % dapprentis.
Et nous nous fixons un objectif très ambitieux qui est darriver à 5 %, dans les entreprises de plus de 250 salariés à lhorizon 2015.
Sur le logement, nous poursuivons un double objectif.
Accroître loffre, notamment pour peser sur les prix et permettre à chacun de se loger et pour encourager un secteur, celui du bâtiment, qui est clé en termes demploi et de croissance et qui a souffert alors même quil ne sagit pas demplois "délocalisables".
Majorer de 30 % pendant trois ans, la constructibilité, c'est-à-dire les droits à construire dans les communes qui ne lont pas fait delles-mêmes, puisque certaines d'entre elles pouvaient le faire, au moins jusqu'à hauteur de 20 % : cest une mesure très simple, c'est une mesure très ambitieuse, c'est une mesure très forte.
Alors, jai déjà entendu les critiques et je voudrais insister sur un point : il ne sagit en aucun cas de faire nimporte quoi, de construire sans permis.
Naturellement les zones protégées ne sont pas remises en cause mais surtout le pouvoir des élus locaux nest pas contesté.
Le texte que nous proposerons laissera toujours aux collectivités le pouvoir de juger cette majoration.
Mais en même temps il faut être réaliste : il arrive parfois que la construction de logements soit bridée par des dispositions malthusiennes dans les documents durbanisme, qui contraignent nos concitoyens à sengager dans un véritable parcours du combattant pour se loger.
Cette mesure ira de pair avec le très grand chantier que nous avons déjà ouvert en matière de libération de terrains publics et qui, pour la seule Ile-de-France, permettra entre 2012 et 2016 de construire plus de 50 000 logements. 50 000 logements construits sur terrains publics que nous sommes en train de libérer.
Concernant la Banque de lindustrie, je veux rappeler que nous avons un socle puissant qui a été beaucoup étoffé depuis 4 ans, puisque notamment depuis 2008, nous avons renforcé les moyens consacrés au financement de lindustrie comme jamais.
Lan dernier, OSEO, qui est l'instrument principal de cette action a soutenu 100 000 PME et entreprises de taille intermédiaire et a permis de les financer à hauteur de 15 milliards deuros. Avec leffet dentraînement de ces 15 milliards deuros sur les financeurs privés, cela porte en réalité à 30 milliards deuros l'effort de financement pour les PME grâce à l'action d'OSEO.
Nous avons créé le Fonds stratégique qui, lui-même, a permis déjà 4,2 milliards deuros d'interventions dans le capital d'entreprises, qui sont des entreprises qui avaient besoin de ce soutien pour franchir une étape, pour continuer à se développer.
Nous allons ajouter une brique supplémentaire à cet ensemble, avec une filiale d'OSEO dédiée spécifiquement au financement des PME et établissements de taille intermédiaire industriels.
Cette nouvelle banque sera dotée dun milliard deuros de fonds propres, ce qui permettra dès la 1ère année dapporter une dizaine de milliards deuros de prêts au secteur industriel.
Nous associerons les partenaires sociaux au choix des grandes orientations stratégiques de cette banque.
Comme le président de la République la annoncé, le collectif budgétaire mettra en place une taxe sur les transactions financières.
Vous savez que dans le cadre de notre présidence du G20, nous n'avons eu de cesse de défendre la mise en uvre de cette taxe sur les transactions financières. Notamment vis-à-vis de nos grands partenaires, je veux dire que le Brésil, lArgentine, lAfrique du Sud qui ont rejoint les positions que nous défendions.
Nous avons également pesé de tout notre poids pour que lEurope joue un rôle moteur dans ce processus et, vous savez qu'un projet de texte sera présenté prochainement par la Commission européenne.
Tout cela est lent à se mettre en place, nous savons qu'il y a des résistances, y compris au sein de l'Union européenne.
C'est la raison pour laquelle nous voulons prendre les devants. Nous voulons mettre en place un dispositif qui permettra de démontrer à ceux qui sont réticents que cette taxe sur les transactions financières est faisable, qu'elle n'a pas d'effet pervers sur l'économie, et qu'elle peut apporter une réponse à deux questions : la question des excès en matière de transactions financières, des excès de la finance, mais aussi une réponse à la question du financement du développement.
Nous taxerons, de façon ciblée, les activités les plus spéculatives des marchés financiers : les ventes de CDS souverains à nu, qui peuvent déstabiliser le marché des dettes des Etats; les opérations de trading automatique à haute fréquence, qui peuvent déstabiliser le fonctionnement normal des marchés, et toutes les actions correspondant à des sociétés cotées à la Bourse de Paris.
Cette taxe sera effective dès le mois daoût.
Comme je lai indiqué lors de cette réunion, les ministres sont chargés dengager dès maintenant le dialogue avec les parlementaires, qui vont avoir à voter ces dispositions, avec les partenaires sociaux, et avec les acteurs économiques concernés, pour préparer la mise en uvre de ces mesures.
Sagissant des accords compétitivité-emploi, nous attendons, comme je lai indiqué, que les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités.
Sagissant des mesures législatives, le Gouvernement présentera le 8 février un projet de loi de finances rectificatif, ainsi quun projet de loi sur les mesures relatives au logement.
Nous actualiserons également dans le collectif budgétaire notre prévision de croissance pour 2012.
Nous avions dit que nous attendrions les résultats du quatrième trimestre avant de modifier ces prévisions de croissance. Nous les révisons maintenant de 1,0 % à 0,5 % ce qui permet de prendre en compte la détérioration de notre environnement économique, même si les premiers frémissements de lactivité paraissent poindre en Europe.
La croissance devrait redémarrer dans la zone euro et en particulier en France avant la fin du premier semestre.
Lensemble des décisions qui ont été adoptées depuis le mois de décembre dans la zone Euro tant par les Etats que par la BCE ont grandement contribué à améliorer la confiance et à atténuer les tensions sur les taux dintérêt, comme nous lavons notamment constaté sagissant de ceux auxquels nous empruntons.
Les dernières enquêtes auprès des entreprises montrent quelles se sont redressées en janvier pour la première fois depuis le mois de septembre.
Cette révision de la croissance à 0,5 % au lieu de 1 % dans le projet de loi de finances pour 2012 a un impact denviron 5 milliards deuros sur nos comptes.
Les efforts accomplis par ce Gouvernement et par tous les Français, ainsi que le budget très prudent que nous avions construit, nous permettent de labsorber sans demander deffort supplémentaire aux Français.
Cette baisse des recettes sera en effet compensée :
* dabord, grâce aux bons résultats sur le déficit 2011, qui sont, comme le Président de la République la indiqué hier, nettement meilleurs que prévus puisque nous seront en-dessous de 5,4 % de déficit, soit plus de 6 milliards deuros de mieux que ce que nous avions prévu. Ces bons résultats ont un effet pérenne de lordre de 3 milliards deuros au moins sur les déficits suivants, et donc les comptes 2011.
* Ensuite, nous avons un surcroît de recettes dISF et dimpôt sur le revenu pour 300 millions deuros liés aux résultats que nous engrangeons dans la lutte contre lévasion fiscale.
* Nous avons les gains liés à la mise en place de la taxe sur les transactions financières qui représenteront 500 millions en 2012, puisquelle sappliquera à partir du mois de juillet seulement.
* Et enfin, nous proposerons lannulation de 1,6 milliard deuros de crédits sur le budget de lEtat, dont javais décidé, vous vous en souvenez, la mise en réserve pour faire face à une éventuelle baisse de la croissance. Ça représente une annulation nette de 1,2 milliard deuros après prise en compte du financement pour 400 millions deuros des mesures qui ont été annoncées par le président de la République en faveur de lemploi à lissue du sommet sur la crise du 18 janvier dernier.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les objectifs, le calendrier et la méthode que le Gouvernement, et notamment tous les ministres rassemblés ici, nous nous sommes fixés.
QUESTIONS REPONSES
CATHERINE GASTE DU PARISIEN
Je voudrais savoir en fait, il y a un point à éclaircir, hier le président de la République a évoqué la fin des 35 heures. La question qui se pose dans les accords de compétitivité cest de savoir est-ce que cette durée légale reste, autrement dit le curseur pour le déclenchement des heures sup ou pas ? Est-ce quen clair cest symboliquement la fin des 35 heures mais on reste dans la configuration quon a connue avec les heures supplémentaires ?
FRANÇOIS FILLON
Nous avons déjà considérablement assoupli les 35 heures, depuis 2002. Ces accords de compétitivité permettront daller encore plus loin dans la souplesse. Mais ils permettront daller plus loin dans la souplesse sur la base dun accord majoritaire dans lentreprise. Je voudrais insister sur ce point. Jai entendu ce matin
je sais que ce nest pas la question, jai bien compris, mais je vais répondre à la question quand même, jai entendu ce matin un certain nombre de commentaires de brillants experts expliquant que cela se ferait contre les salariés. Cela ne se fait pas contre les salariés, puisque si la majorité des salariés est hostile à un accord il ny a pas daccord dans lentreprise. Donc cest un élément très très important, et cest un élément nouveau de dialogue social. Je veux ré-insister à nouveau sur le fait que alors que les gouvernements de gauche nont jamais rien fait pour moderniser le dialogue social dans notre pays, ni sur la représentativité syndicale, aucune décision ; ni sur la question des accords majoritaires - vous savez quautrefois on pouvait négocier des accords dans une entreprise avec un syndicat extrêmement minoritaire, et là on imposait aux salariés des décisions qui navaient pas forcément fait lobjet de leur adhésion - nous avons réformé tout cela, nous avons désormais des organisations syndicales dont la représentativité est démocratique puisquelle est mesurée par des élections. Nous avons des organisations syndicales qui peuvent soutenir des accords majoritaires, majoritaires dans lentreprise, et donc nous pouvons enclencher cette nouvelle étape puisquil y a au fond une vraie garantie pour les salariés. Les organisations syndicales ne sont pas irresponsables, elles ne négocient pas des accords qui vont contre lintérêt des salariés. Elles négocient des accords qui à un moment donné leur semblent nécessaires pour assurer la pérennité dune entreprise. Naturellement la durée légale du travail est maintenue, il ny a pas de modification de ce point de vue là. Il y aura des souplesses supplémentaires mais sans modification de la durée légale du travail. Donc vous avez la réponse à votre question.
JOURNALISTE
(Inaudible)
FRANÇOIS FILLON
Je viens décrire aux partenaires sociaux pour leur demander de se mettre daccord sur des propositions, donc ce sera aux partenaires sociaux de faire des propositions sur ce sujet. Sils souhaitent des règles différentes, cest à eux de le dire. Donc on peut imaginer daller plus loin en terme de majorité que ce qui existe dans les textes actuels, sinon on naurait pas besoin de cette négociation. Cest un sujet qui est ouvert. Mais vous voyez bien quau fond lessentiel cest denclencher des processus de négociation dans les entreprises dans un climat de confiance. Donc plus laccord sera majoritaire mieux ce sera.
JOURNALISTE
(Inaudible)
FRANÇOIS FILLON
Dabord il est normal quon donne un délai parce que chacun sait que nous sommes dans un pays où parfois les bonnes idées sont assez vite enterrées. Donc il faut que les choses avancent. Et donc cest lobjet de ce délai. Sil ny avait pas daccord dans les deux mois, ce que nous ferions cest de mettre sur la table un projet qui serait un projet du gouvernement mais qui naturellement, compte tenu du calendrier électoral, compte tenu du calendrier de cessions parlementaires, ne serait pas soumis au Parlement.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre vous évoquez justement le calendrier électoral, ces mesures seront applicables pour la TVA en octobre, pour la taxe sur les transactions en août, alors vous dites que lélection ça ne peut pas suspendre laction mais est-ce que dune certaine façon vous ne zappez pas quand même ce rendez vous électorale ? Et quelle importance attacher à des mesures qui peut-être seront balayées par lopposition, si elle décide de les remettre en cause ?
FRANÇOIS FILLON
Dabord je veux rappeler que la crise frappe notre pays, élection ou pas élection. Et lélection nest en rien de ce point de vue là un repère, cest un repère par rapport à la respiration démocratique de notre pays, cest un repère par rapport aux projets des uns et des autres, mais cela ne lest pas quant à la résolution de la crise, qui est une crise structurelle, profonde, qui affecte lensemble des pays européens.
Nous avons pris tous ensemble, dans le cadre de lUnion européenne et plus spécifiquement encore dans le cadre de la zone euro, des engagements précis. Nous nous sommes engagés à prendre chacun dans nos pays des mesures damélioration de la compétitivité de notre économie correspondant grosso modo à nos caractéristiques et actuellement tous les pays européens sont en train de le faire. LEspagne le fait, lItalie le fait, lensemble des pays européens est dans un démarche damélioration de la compétitivité.
Donc ne pas prendre de décision aujourdhui ce serait ne pas respecter les engagements européens que nous avons pris. Ce serait fragiliser la zone euro et leuro en montrant que certains pays ne sont pas en mesure de mettre en uvre les politiques damélioration de la compétitivité qui ont été décidées. Jajoute que, compte tenu des calendriers, si nous ne prenons pas ces décisions aujourdhui, il y aura ensuite une longue interruption jusquau mois de juillet avant quun Parlement puisse de nouveau délibérer. Cela veut dire quil ny aura aucune mesure de compétitivité prise en 2012 en France, car pour mettre en uvre une mesure telle que la baisse des cotisations sur le travail et la hausse de la TVA ou la taxation des transactions financières, il faut des délais.
Ceux qui pensent quon peut faire cela en quinze jours nont jamais, ne se sont jamais servis dun logiciel de paye dans une entreprise, nont aucune idée du fonctionnement de notre économie. On ne décide pas de laugmentation de 1,6 % de la TVA du jour au lendemain, il faut quil y ait un temps donné aux acteurs économiques pour anticiper et notamment baisser leur prix, anticiper les effets de cette hausse. Donc cela veut dire que sil ny a pas de décision prise avant les élections présidentielles, il ny aura pas de décision prise en 2012 et donc la France aura perdu une année en matière de lutte pour lamélioration de la compétitivité de son économie. Donc je pense que la décision que nous prenons, cest une décision qui nous permet de respecter nos engagements européens, qui nous permet de continuer à envoyer aux marchés un signal qui est un signal de sérieux, ce qui se traduit aujourdhui par, vous lavez vu, des taux dintérêt qui sont des taux dintérêt bas et qui permet en même temps danticiper lamélioration de la compétitivité de léconomie française dont je ne vois aucune raison qui pourrait nous conduire à aller moins vite.
JOURNALISTE
(Inaudible)
FRANÇOIS FILLON
Eh bien, cest un choix que les Français feront et les Français sauront que sils votent pour lopposition, ils se priveront de mesures extrêmement efficaces pour la compétitivité de léconomie française.
OLIVIER AUGUSTE, « LE FIGARO »
Je voudrais juste une précision sur les exonérations de charges familiales. Hier, le président a évoqué une exonération totale entre 1,6 et 2,1 SMIC. Là, vous nous parlez de tous les salaires en dessous de 2,1 ?
FRANÇOIS FILLON
Jusquà 1,6, il y a déjà une exonération qui existe. Donc on prend les salaires à partir de 1,6. Alors, il y a des effets de biseau sur lesquels je ne reviens pas, on vient jusquà 2,1, en exonérations totales et jusquà 2,4 en exonérations partielles. Pourquoi avons-nous choisi de concentrer les exonérations sur cette tranche de salaire ? Cest parce que cest la tranche de salaire qui correspond grosso modo à lindustrie, aux emplois industriels dans notre pays. Comme la dit le président de la République, avec ces mesures, on exonère environ 95 %, peut-être même un peu plus, des emplois agricoles et de lordre de 80 % des emplois industriels qui sont évidement ceux qui sont les plus concernés par la délocalisation et par la compétition internationale.
CYRIL ADRIAENS, LCI
Monsieur le Premier ministre, en quoi toutes ces mesures ne constituaient-elles pas un troisième plan daustérité comme le prétend lopposition par la voix de Martine AUBRY ce matin ?
FRANÇOIS FILLON
Je ne vois pas où est laustérité, il ny a aucun prélèvement obligatoire supplémentaire sauf sur les revenus financiers ; le seul prélèvement obligatoire supplémentaire, cest sur les revenus financiers. Laugmentation de la TVA sera très largement compensée par la baisse des prix des produits sur le marché intérieur ; on a vu dans la plupart des autres pays qui ont mis en uvre des politiques équivalentes quil y avait un très faible effet sur la hausse des prix. Donc il ny a pas de plan de rigueur et comme je viens de lindiquer, nous navons pas besoin compte tenu des efforts que nous avons déjà faits, de mettre en place des prélèvements supplémentaires pour assurer le rendez-vous en termes de déficits 20102, cest-à-dire 4,5 points.
HERVE NATHAN, « MARIANNE »
Monsieur le Premier ministre, Hervé NATHAN à « Marianne ». Deux questions. La première, cest quest-ce qui va se passer en ce qui concerne les carburants ? Cest un sujet très sensible. Là-dessus, on na jamais noté de réduction de la marge des distributeurs, en tout cas, cest un combat permanent. Donc est-ce que vous pensez quil va falloir faire quelque chose de spécifique ? Et autre chose, je voudrais vous demander plus largement doù vient votre confiance du fait que les prix naugmenteront pas parce que nous, quand on interroge les industriels, la plupart nous disent : on va utiliser cet éventuel basculement des cotisations pour retrouver de la marge parce quun des handicaps de lindustrie française, cest davoir beaucoup moins de marges que ses concurrents notamment les Allemands.
FRANÇOIS FILLON
Je ne sais pas qui vous raconte cela, cela doit être des industriels un peu particuliers parce que sils veulent regagner des parts de marché par rapport aux Allemands, il faut quils baissent leur prix, pour quils soient plus compétitifs. Donc cest un raisonnement quon ne tient pas et cest un raisonnement qui économiquement ne tient pas parce que des entreprises qui ne feraient pas leffort daméliorer le coût de leurs produits sur le marché international sont des marchés sont des entreprises qui continueront à perdre des parts de marché. Donc je ne vois pas où est lavantage pour elles daméliorer leurs marges sur des parts de marché qui se réduisent.
Sur la première question sur les carburants. Dabord, sur les carburants, je voudrais rappeler que ce qui fait la hausse des carburants, cest la hausse du prix du produit de base, ce nest pas la hausse des marges, il ny a pas de hausse des marges. Elle est même pour un certain nombre de distributeurs extrêmement faible et tellement faible que nous assistons en ce moment à la disparition les unes après les autres des raffineries sur le territoire européen. Donc on ne peut pas à la fois dire quil y a des marges qui sont considérables du côté des distributeurs et en même temps, constater que ces distributeurs perdent de largent.
Le vrai sujet, il est sur la hausse du pétrole et nous savons tous que cette hausse du pétrole, elle a deux origines ; elle a la consommation par rapport à une réserve qui est ce quelle est et la variation du prix de leuro par rapport au dollar. Leuro est remonté, on aura immédiatement des effets sur le prix de lessence ; nous avons un certain nombre de mesures en préparation pour continuer à aider les plus défavorisés de nos concitoyens sur ce sujet mais toute promesse de baisse du prix de lessence généralisée qui serait faite par des candidats à cette élection présidentielle serait une escroquerie.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 février 2012